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Biopolymères - Entre substitution et nouveaux matériaux

Rédigé par: 

Date de publication :
Décembre 2010

 

Mots-clés :
biosourcé, bioproduit, biomasse, végétal, plastique, biopolymère, agromatériaux
 

Avec une production mondiale appelée à exploser lors de la prochaine décennie, les bioplastiques montent en puissance aussi bien en remplacement de polymères existants qu’en création de matériaux pour apporter de nouvelles propriétés.

 

« Près de 70% des familles de polymères sont susceptibles d’être biosourcées. » Un constat fait par Andreas Redl, responsable de projet Chimie verte chez Syral. Un signe parmi d’autres que les biopolymères sortent de l’ombre.
En 2007, on estimait leur production annuelle à environ 360 000 tonnes, soit moins de 1% de la production mondiale de plastique. L’association European Bioplastics prévoit une production de 2,33 Mt en 2013 et de 3,45 Mt en 2020. « Le nombre de produits disponibles augmente sans cesse, et de nouvelles matières renouvelables font leur apparition », confirme Hilaire Bewa, ingénieur expert à l’Ademe et animateur R&D du programme BIP (Bioressources industrie performance) qui a lancé une étude sur le sujet.

 

Cette progression des bioplastiques se distingue sur deux axes stratégiques: le biosourcing de polymères classiques (dans ce cas on remplace la matière première pétrochimique par de la matière première d’origine végétale) et la création de nouveaux matériaux (qui utilisent la matière végétale en monomère ou en charge pour le renfort mécanique). Le remplacement naissant du pétrole est particulièrement visible dans l’emballage, qui représente 40% de l’usage des plastiques en France.

« L’objectif premier est d’augmenter la part du végétal dans les plastiques existants. Pour cela, on utilise des matériaux de deuxième génération issus à la fois de l’amidon et de l’huile de tournesol », explique Christophe Doukhi de Boissoudy, directeur général de Novamont France et président du Club Bioplastiques.
Le fabricant de sacs d’emballage SPhere en est l’illustration, ses sacs en polyéthylène (PE) étaient en partie biosourcés. Au premier janvier, sa gamme en PE devient biosourcée à 100%, à partir de canne à sucre et de fécule de pomme de terre. « Le PE végétal présente l’avantage de pouvoir être recyclé dans les filières PE françaises », précise Christophe Doukhi de Boissoudy.
D’autres projets de SPhere concernent le mélange de l’amidon de pomme de terre et de polymères issus du pétrole pour donner la polycaprolactone, un polyester biodégradable. « On sait également remplacer totalement le polyuréthane avec des matières premières biosourcées, obtenues à partir de polyols issus d’huile de palme, de soja voire de tournesol, un sourcing en projet », explique Hilaire Bewa (Ademe).

Quant au PVC, des progrès dans l’exploitation de la cellulose laissent espérer un sourcing viable à long terme, dans le cadre du programme BioCore. Ce programme vise à fédérer les efforts institutionnels et industriels autour du fractionnement de la biomasse afin de produire des biopolymères.

Dans le domaine de l’acide succinique, la France s’apprête à prendre une part significative du marché mondial. « L’acide succinique a été identifié comme étant une des premières priorités parmi 300 molécules biosourçables, grâce à une étude du département américain de l’énergie en 2004 » explique Patrick Piot, directeur de BioAmber. L’entreprise a démarré en décembre 2009 une usine de production à Pomacle (Marne) d’une capacité annuelle de 2000tonnes. Le marché de l’acide succinique pétrolier est estimé à 30kt par an. Signe que BioAmber s’attend à une augmentation forte de ce marché, la société a déjà consenti des investissements de 21 millions d’euros dans le projet.
L’acide succinique sert de building block au polybutylène succinate (PBS), déjà utilisé pour l’emballage, et qui possède des propriétés suffisamment proches de celles du polypropylène (PP) et du PE pour envisager un remplacement à plus grande échelle. BioAmber n’est pas la seule sur cette thématique: la nouvelle société Reverdia, coentreprise entre Roquette et DSM, œuvre également au déploiement de l’acide succinique notamment dans la production de biopolymères.

 

Mais une autre dynamique est tout aussi prometteuse pour les biopolymères: les nouveaux matériaux qui vont se substituer aux polymères existants. « Au départ, on envisageait de mélanger des polymères fossiles classiques avec des polymères végétaux. Maintenant, on s’oriente de plus en plus vers du 100% végétal », explique Christophe Doukhi de Boissoudy. Les nouveaux biopolymères permettent en outre d’offrir des propriétés différentes par rapport aux polymères classiques.
« L’acide polylactique (PLA) figure parmi les biopolymères les plus demandés, car c’est l’un des moins chers, et l’on maîtrise bien sa transformation en bouteilles ou en films », détaille Thomas Lefèvre, directeur de NaturePlast, société qui accompagne les plasturgistes qui souhaitent développer et intégrer des produits en bioplastique. « Mais sa perméabilité est trop grande par rapport à d’autres biopolymères ». Ce qui n’empêche pas l’entreprise Vegetal & Mineral Water de l’utiliser dans la conception de bouteilles d’eau.

Pour Hilaire Bewa, « ce sont les biopolymères fabriqués à base d’amidon qui sont actuellement les plus représentés, avec une production annuelle de 250kt. »  Un secteur qu’exploite Roquette. L’entreprise développe le programme GaïaHub sur la fonctionnalisation des polymères végétaux. « Nous allons là où les nouvelles propriétés nous portent », confie Michel Serpelloni, responsable de GaïaHub. Le programme a déjà permis de breveter de nouveaux plastiques végétaux issus de la conversion de l’amidon et de la fécule.

 

Les biopolymères doivent encore trouver leur place.

Syral, de son côté, s’apprête à commercialiser Meriplast, un biomatériau flexible à base de protéine de blé, courant de l’année 2011. « Nous nous plaçons sur les marchés des produits à durée de vie moyenne, entre 3 mois et 3 ans. Nous allons travailler avec nos clients pour développer, à la demande, des applications nouvelles », précise Andreas Redl (Syral). Biosourcé et biodégradable à 100%, Meriplast est compatible avec les procédés de thermoformage comme pour le caoutchouc. « Ce type de produits, aux propriétés inhabituelles, doivent encore trouver son propre marché pour s’imposer », précise Andreas Redl.

Des projets sont ainsi en cours pour augmenter la proportion de polymères biosourcés dans des marchés aussi variés que l’automobile, les transports ou l’électronique. Pour Hilaire Bewa, « tout ce que l’on peut faire avec des résines fossiles est en principe accessible aux résines biosourcées, par exemple des composites en grand volume pour l’automobile, des films pour le paillage ou encore l’horticulture. Mais certaines résines vertes sont peu pratiques pour le thermoformage ». Les biopolymères doivent donc évoluer pour remplir des exigences de process variées.

 

Des limites qui reculent

Les biopolymères se heurte à des difficultés variées, mais en passe d’être résolues.

  • Le coût : « La répartition est très hétérogène, de 2 à 12euros le kilo », explique Thomas Lefèvre, directeur de NaturePlast, société de conseils en bioplastique. Ce qui n’empêche pas certains building blocks d’être compétitifs par rapport au sourcing pétrolier, comme par exemple l’acide succinique. « De par sa faible production mondiale, l’acide succinique ne bénéficie pas d’économie d’échelle. Son biosourcing est compétitif, parce qu’il se base sur le sucre et le CO2, deux composants bon marché et abondants », analyse Patrick Piot, directeur général de BioAmber.
  • Le sourcing peut générer l’inquiétude quand il n’y a pas assez de fournisseurs de matières premières. SPhere, pour sa nouvelle gamme de sacs en PE entièrement biosourcés, se repose entièrement sur Braskem pour son sourcing en éthylène vert. Mais pour certaines matières, les ressources ne sont pas un problème. « Pour le PLA, seuls 60% de la production de monomères sont actuellement commercialisés », analyse Thomas Lefèvre. En outre, l’agriculture française peut soutenir le marché. « Pour l’acide succinique, le sucre est largement disponible en France », détaille Patrick Piot.
  • Les problèmes liés: La faible barrière à l’eau ou à l’oxygène de certains biopolymères pose problème. En outre, certains biopolymères sont peu adaptés aux températures de thermoformage. Des programmes du pôle IAR (Industries et Agro-Ressources) visent à améliorer leur processabilité. « Quand les polymères biosourcés atteindront des performances semblables aux plastiques pétrochimiques, les industriels modifieront leurs outils pour s’adapter », analyse Guillaume Jolly, responsable agromatériaux et formation au sein du pôle IAR.
  • La fin de vie : Certains biopolymères sont brûlés, d’autres possèdent plusieurs cycles de vie. Si des filières de recyclage pour les polymères classiques sont en place, les biopolymères, par leur composition mixte, pollueraient ces filières. Le débat est aussi en cours pour savoir si le compostage est une solution satisfaisante. « La difficulté réside dans les compositions variées des biopolymères et dans leur biodégradabilité. Une filière de compostage permettrait d’augmenter l’utilisation de ceux-ci », explique Guillaume Jolly.

 

Rédigé par Jacques HAAS, Formule Verte

Crédits photos:  raeva - Fotolia.com (logo article), Natureplast (illustration 1 & 2)